Une transition injuste Énergie, colonialisme et extractivisme au Sahara Occidental occupé

L'extractivisme, tout comme le colonialisme, se présente sous de nombreuses formes et tailles différentes. Dans le cas du Sahara occidental, cela ne se manifeste pas seulement dans l’extraction du phosphate, la pêche, l’industrie du sable et l’agriculture. Aujourd’hui, l’extractivisme au Sahara occidental est également soutenu par des projets d’énergies renouvelables, en partie utilisés pour « écologiser » l’occupation marocaine du Sahara occidental.

Authors

Longread by

  • Joanna Allan
  • Hamza Lakhal
  • Mahmoud Lemaadel
Illustration by Othman Selmi

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Les multiples crises écologiques provoquées par les activités humaines sont liées et exacerbent les autres défis politiques, sociaux et économiques auxquels l’Afrique du Nord est actuellement confrontée.1 Au Sahara Occidental, ces défis et ces crises sont déterminés par la condition persistante de colonie de ce territoire. Ce rapport vise à contribuer à la réflexion sur une transition juste – c’est-à-dire une transition vers des “économies prospères qui fournissent des moyens de subsistance dignes, productifs et écologiquement durables, une gouvernance démocratique et une résilience écologique” – au Sahara Occidental.2 Ce faisant, les auteurs démontrent comment l’extractivisme est pratiqué de nos jours dans la partie du Sahara Occidental actuellement occupée par le Maroc. La majeure partie de l’analyse se concentre sur le développement des énergies renouvelables, car le Maroc est largement célébré sur la scène internationale pour ses engagements envers la soi-disant “transition énergétique verte”.3 L’histoire racontée ici, qui cherche à mettre en avant les voix de la population sahraouie autochtone du Sahara Occidental, est différente. C’est précisément parce que le développement des énergies renouvelables entrave l’autodétermination des Sahraouis et accentue les inégalités (perçues et réelles) entre les Sahraouis autochtones et les Marocains, que de tels projets compromettent une transition juste.

Dans cet article, après un bref aperçu historique du conflit au Sahara Occidental, les auteurs commencent par recenser les formes d’extractivisme à l’œuvre dans le Sahara Occidental occupé, et cartographient les acteurs qui y contribuent et qui profitent de l’industrie extractive sur ce territoire. Bien que le rapport se concentre principalement sur le développement énergétique, il met également en lumière des formes d’extractivisme connexes, comme l’extraction de phosphate, la pêche, et les industries du sable et de l’agriculture. Les auteurs inscrivent leur recherche sur l’extractivisme au Sahara Occidental occupé dans des débats académiques et militants plus larges sur l’énergie et le colonialisme dans le monde. Le rapport explique également pourquoi le développement durable dans le territoire occupé devrait être considéré comme une forme d’extractivisme.

Dans un second temps, les auteurs affirment que l’énergie (potentiellement) produite au Sahara Occidental occupé contribue à la stratégie diplomatique du régime marocain à l’étranger, renforçant ainsi son emprise coloniale sur le Sahara Occidental occupé.

Enfin, le rapport questionne les modalités d’une transition juste pour les Sahraouis. Pour nourrir leur réflexion, les auteurs se tournent vers les camps de réfugiés sahraouis et l’Etat en exil situés près de Tindouf, en Algérie. Quelques-unes des initiatives sahraouies sont décryptées, selon leur potentielle connexion ou influence sur la mise en œuvre d’une transition juste.

Illustration by Othman Selmi

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Brève histoire du conflit au Sahara Occidental

La colonisation espagnole du Sahara Occidental a débuté en 1884, après la Conférence de Berlin, durant laquelle les États européens se partagent l’Afrique, le Sahara Occidental devenant alors une possession espagnole. Au départ, la présence espagnole dans le “Sahara espagnol” se limitait à la pêche dans les eaux côtières et au commerce avec les tribus sahraouies. Mais la découverte de phosphate, de pétrole et d’autres gisements minéraux dans les années 1940 encourage l’Espagne à étendre son emprise politique, sociale et économique sur le territoire.4

Au début des années 1960, une nouvelle ère de décolonisation commence avec la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1960.5 Le Sahara espagnol (Sahara Occidental) est inclus dans la liste dressée par les Nations Unies des territoires non autonomes à décoloniser en 1963. À cette époque émergent des mouvements sociaux organisés pour l’indépendance des Sahraouis, notamment le Mouvement d’avant-garde pour la Libération du Sahara, formé en 1968 par Mohamed Sidi Brahim Bassiri. Plus tard, après la disparition de Bassiri en Espagne6, un groupe de jeunes étudiants et de membres de l’organisation d’avant-garde forment le Front populaire de Libération de Saguia El Hamra et Río de Oro (POLISARIO) en 1973. La même année, ils s’engagent dans la lutte armée contre les Espagnols.7

Depuis son indépendance en 1956, et fort de ses ambitions expansionnistes, le régime marocain a affiché son aspiration à un “Grand Maroc”, qui engloberait le Sahara Occidental, la Mauritanie ainsi que certaines portions du territoire de l’Algérie et du Mali.8 Ainsi, lorsque l’Espagne signale son intention d’organiser un référendum d’autodétermination pour les Sahraouis en 1974, le Maroc et la Mauritanie expriment à nouveau leurs propres arguments en faveur de leur souveraineté territoriale sur le Sahara Occidental. Les revendications des deux États – chacun arguant qu’avant la colonisation espagnole, le Sahara Occidental avait appartenu au Grand Maroc et à la Grande Mauritanie – sont entendues par la Cour Internationale de Justice. Cette dernière rejette ces revendications dans un avis consultatif, et préconise l’application de la résolution 1514 (XV) des Nations Unies, reconnaissant ainsi l’autodétermination des Sahraouis autochtones.9 Mais l’Espagne signe alors un accord tripartite illégal avec le Maroc et la Mauritanie, qui divise le Sahara Occidental entre les deux pays africains et garantit à l’Espagne une part de 35 % des bénéfices des réserves de phosphate du Sahara Occidental, ainsi qu’un accès sans restriction aux zones de pêche du territoire.10

En octobre 1975, le Maroc et la Mauritanie envahissent le Sahara Occidental.11 TDes dizaines de milliers de Sahraouis fuient vers des camps de réfugiés dans l’Algérie voisine ; certains d’entre eux seront bombardés au napalm le long de la route de l’exil.12 En 1976, le POLISARIO, alors basé dans les camps, proclame la République arabe sahraouie démocratique (RASD) en exil. Cette dernière constituera le quartier général de la lutte armée du POLISARIO contre le Maroc et la Mauritanie jusqu’au cessez-le-feu négocié par les Nations Unies en 1991, conclu sur la base de la promesse d’organisation d’un référendum d’autodétermination sur l’indépendance des Sahraouis. Ce référendum n’a jamais eu lieu, ce qui a entraîné une stagnation du processus diplomatique qui s’est prolongé jusqu’en novembre 2020 (voir ci-dessous).

La Mauritanie s’était retirée de la guerre en 1979, avec la signature d’un traité de paix avec le POLISARIO. Le Maroc, en revanche, reste la puissance occupante du Sahara Occidental. L’Assemblée générale des Nations Unies a “exhorté le Maroc à se joindre au processus de paix et à mettre fin à l’occupation du territoire du Sahara Occidental”.13 Le POLISARIO contrôle actuellement environ un quart du territoire du Sahara Occidental, situé à l’est du mur de sable construit par le Maroc, considéré comme la “plus grande barrière militaire fonctionnelle du monde”.14

Aujourd’hui, environ 180 000 réfugiés sahraouis vivent de l’aide humanitaire internationale dans les camps de réfugiés en Algérie, tandis que le Maroc continue de mener sa politique coloniale dans le Sahara Occidental occupé. Ces politiques impliquent à la fois les disparitions forcées et la torture des prisonniers d’opinion15, ainsi que l’installation d’une importante population de colons marocains sur le territoire (il n’existe pas de données fiables sur la proportion exacte de colons par rapport aux Sahraouis autochtones, mais il est communément admis que les premiers sont aujourd’hui beaucoup plus nombreux que les seconds), et l’appropriation culturelle.16

Le cessez-le-feu entre le POLISARIO et le Maroc négocié par les Nations Unies, débute en 1991 et durera 29 ans, avant de prendre fin le 13 novembre 2020 après un violent incident. Des civils sahraouis avaient installé un barrage routier au niveau d’une brèche dans le mur militaire près du village de Guerguerat, situé près de la frontière mauritanienne dans une zone tampon démilitarisée. Abdelhay Larachi, un Sahraoui ayant participé à l’installation le barrage routier, explique : “Notre but était de fermer la brèche illégale à Guerguerat […] [c’est] une porte par laquelle le Maroc fait passer nos ressources naturelles pillées vers la Mauritanie et d’autres pays”.17 Le Maroc tire sur les manifestants présents sur le site, et le POLISARIO, déclarant que le cessez-le-feu a été rompu, riposte.

Ce n’est pas une coïncidence si le nouveau conflit a été déclenché par le blocage par les Sahraouis du “couloir du pillage” à Guerguerat (par lequel passent les marchandises provenant du territoire occupé pour être acheminées vers le port de Nouadhibou, d’où elles sont exportées dans le monde entier) : l’extractivisme est au cœur du conflit et du colonialisme au Sahara Occidental.

Illustration by Othman Selmi

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L’extractivisme au Sahara occupé

L’extractivisme est un mode d’accumulation capitaliste par lequel certaines régions, généralement situées dans le Nord, extraient les ressources naturelles d’autres régions, principalement pour l’exportation.18 L’extractivisme caractérise les relations de l’Europe avec les Amériques, l’Afrique et l’Asie depuis l’époque des conquêtes et de la colonisation.19 Aujourd’hui, l’extractivisme se poursuit sous une forme néocoloniale en Afrique du Nord.20 Les ressources extraites vont du pétrole et du gaz aux minerais précieux, en passant par le poisson et les produits agricoles.21 De nos jours, le tourisme et l’appropriation culturelle sont aussi largement considérés comme des formes d’extraction néocoloniale, dans la mesure où les richesses du Sud et des populations autochtones, y compris les ressources intellectuelles et artistiques, sont exploitées au profit des populations du Nord22.

Ces dernières années, il est devenu de plus en plus évident que les projets d’exploitation de l’énergie renouvelable peuvent également perpétuer ou renforcer l’extractivisme. A titre d’exemple, l’initiative industrielle Desertec, qui a échoué mais qui visait à répondre à environ 20 % des besoins énergétiques de l’Europe d’ici 2050 grâce à des parcs solaires et éoliens construits au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, a été comprise par les militants locaux comme une initiative capitaliste néocoloniale. Desertec a soulevé des inquiétudes quant au pillage potentiel de ressources en eau déjà rares, à l’exportation d’énergie vers l’Europe sans répondre aux besoins énergétiques locaux, et au langage colonial utilisé pour décrire le désert du Sahara. L’initiative a finalement avorté pour des raisons financières.23 De même, en s’appuyant sur des recherches menées auprès de communautés indigènes au Mexique, Alexander Dunlap qualifie le développement durable à l’échelle industrielle de “combustibles fossiles+”, en partant du principe que ces projets à grande échelle, dirigés par des entreprises, renouvellent et étendent l’ordre colonial capitaliste et exploiteur de l’industrie des combustibles fossiles.24 Le développement des énergies renouvelables dans le Sahara Occidental occupé peut être qualifié d’extractiviste car il favorise les modes d’accumulation capitalistes, ainsi que le colonialisme et l’occupation militaire, et parce que les ressources sont utilisées sans que cela ne bénéficie aux communautés locales, ni ne reconnaisse leurs droits humains.

A l’exception d’une ferme éolienne privée alimentant une usine de ciment, le développement de l’énergie éolienne au Sahara Occidental occupé fait entièrement partie du portefeuille d’une société d’énergie éolienne appelée Nareva, appartenant à la propre société holding de la monarchie marocaine, Al Mada.25 Nareva a travaillé en partenariat avec la multinationale allemande de l’énergie Siemens (et plus tard avec l’espagnole Siemens Gamesa) sur tous les parcs éoliens qu’elle a implantés au Sahara Occidental occupé. Le parc Aftissat de 200 mégawatts (MW) produit de l’énergie pour des utilisateurs industriels, notamment l’entreprise publique marocaine OCP Group (anciennement connu sous le nom d’Office Chérifien des Phosphates).26 Le parc de 50 MW de Foum el Oued fournit 95 % de l’énergie nécessaire au fonctionnement de la mine de phosphates de l’OCP à Bou Craa.27 Plusieurs autres parcs éoliens sont prévus dans le Sahara Occidental occupé, avec une capacité combinée de plus de 1000 MW. Il est également prévu d’étendre les champs de deux fermes solaires existantes au Sahara Occidental occupé, et d’en construire une troisième. Des études explorant le potentiel géothermique du pays sous occupation sont également en cours de réalisation.28

Bien que cet article se concentre sur le développement en matière d’énergie renouvelable, il est utile de replacer ces projets dans le contexte plus large de l’extractivisme au Sahara Occidental occupé. Les phosphates de la mine de Bou Craa sont exportés dans le monde entier pour être utilisés dans les engrais agricoles.29 Des serres de taille industrielle produisent des fruits et légumes pour le marché de l’Union européenne (UE), ce qui implique le drainage de précieux puits souterrains.30 Les riches zones de pêche du Sahara Occidental sont également exploitées par les chalutiers de plusieurs pays et régions, notamment l’UE et la Russie, en ayant recours à des pratiques non durables.31 Localement, plusieurs licences de pêche ont été accordées à des personnalités de premier plan du makhzen marocain (l’élite dirigeante).32

De nombreux juristes s’interrogent sur la légalité de ces activités, puisque les ressources d’un territoire occupé ne peuvent être légalement exploitées sans le consentement de sa population.33 A cet égard, plusieurs tribunaux internationaux ont examiné les revendications exprimées par le gouvernement de la RASD et par les groupes de solidarité sahraouis.34

Illustration by Othman Selmi

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L’énergie au service de l’occupation : comment le régime marocain utilise l’énergie à des fins diplomatiques

Le développement énergétique est utilisé pour créer, hors du Maroc, de nouvelles formes de dépendance à l’énergie provenant au moins partiellement du Sahara Occidental. Sur la scène diplomatique, cela incite sans doute les autres pays à soutenir l’occupation. Le Sahara Occidental est connecté au réseau électrique du Maroc via une interconnexion dans sa capitale El Aaiun. Une interconnexion de 400 kilovolts (kV) est en train d’être mise en place entre El Aaiun et Dakhla, une ville du sud du Sahara Occidental.35 Le Maroc espère ainsi connecter son réseau à celui de la Mauritanie via Dakhla, dans le but d’exporter de l’énergie vers le marché ouest-africain.36 De même, lors des négociations climatiques de la COP22 à Marrakech en 2016, le Maroc a signé un programme de travail pour établir à terme des exportations d’énergie vers le marché intérieur européen.37 Ces plans et accords représentent de nouveaux et sérieux obstacles à l’autodétermination du peuple sahraoui. Si ces interconnexions sont établies, le Maroc pourrait créer une dépendance européenne et ouest-africaine partielle à l’énergie produite dans le territoire sahraoui.

Le régime marocain instrumentalise également l’énergie pour renforcer son “soft power” (le pouvoir de persuader ou de contraindre d’autres États à poursuivre certaines politiques ou à prendre certaines mesures) sur le continent.38 ar exemple, le gazoduc Nigeria-Maroc (NMGP) est un projet terrestre et offshore qui vise à alimenter l’Afrique de l’Ouest et du Nord en gaz nigérian, avec la possibilité d’approvisionner l’Europe. Le NMGP est un projet énergétique colossal, dont les implications politiques sont tout aussi considérables : alors que le régime nigérian avait toujours été un fervent partisan du POLISARIO, sa position diplomatique sur le conflit au Sahara Occidental s’est adoucie en raison de ce projet.39 Cela peut être considéré comme une forme de diplomatie énergétique : le Maroc implique des acteurs puissants dans l’occupation de ce territoire, et crée des alliances pour son projet colonial à travers le développement planifié de son système énergétique.

On peut aussi analyser le développement des énergies renouvelables du Maroc au Sahara Occidental occupé par le prisme de l’écoblanchiment. L’écoblanchiment consiste à promouvoir de manière trompeuse un produit, une politique ou une action comme étant respectueux de l’environnement. Le Maroc se présente actuellement comme “le leader africain dans le développement des énergies renouvelables en Afrique”.40 Ce faisant, le pays “écoblanchit” sa politique d’occupation du Sahara Occidental. L’impact environnemental d’un déploiement militaire considérable, du mur qui divise le pays en deux, de l’exploitation du phosphate et du drainage des puits d’eau douce pour irriguer des serres de taille industrielle se cache derrière une image “écologique” soigneusement élaborée par le régime marocain.

Le développement énergétique au Sahara Occidental occupé renforce simultanément l’idée fausse d’une “souveraineté” énergétique pour le Maroc (fausse car le Maroc n’est pas légalement la puissance souveraine du Sahara Occidental) : le Maroc devient “énergétiquement indépendant” des autres pays de la région, au moyen de l’expropriation des ressources du Sahara Occidental. À l’automne 2021, le Maroc tenterait de hâter le projet NMGP, en raison du refus de l’Algérie de poursuivre la coopération gazière avec le Maroc après avoir rompu ses relations diplomatiques avec le royaume, en grande partie à cause du conflit au Sahara Occidental.41 En effet, dans une situation où le royaume ne produit que des quantités négligeables du pétrole et du gaz qu’il consomme, les plans d’énergies renouvelables du Maroc sont conçus pour mettre fin à sa dépendance aux importations d’énergie étrangère. Western Sahara Resource Watch (WSRW) rapporte que “l’énergie produite à partir du vent au Sahara Occidental occupé pourrait constituer 47,20 % de la capacité éolienne totale du Maroc d’ici 2030. Pour cette même année, la part de l’énergie solaire produite dans le territoire pourrait être comprise entre 9,70 % et 32,64 % de la capacité solaire totale du Maroc – probablement située dans la partie supérieure de cette fourchette”.42 Le Maroc cherche ainsi à atténuer les problèmes d’approvisionnement énergétique auxquels il est confronté, au moyen de l’exploitation coloniale des ressources du Sahara Occidental.

Illustration by Othman Selmi

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L’énergie au service de l’oppression : perspectives sahraouies du système énergétique au Sahara occidental occupé

Les auteur.e.s ont recueilli des données sur les perceptions de la population sahraouie du système énergétique au Sahara Occidental occupé lors de sessions d’observation participante (2015), de deux groupes de discussion (2019) et de 20 entretiens approfondis et semi-structurés (2019-2020). Les participants à la recherche, dont les noms ont été modifiés ici, sont Sahraouis et vivent dans les villes occupées de El Aaiun ou Boujdour, et s’identifient comme des non-activistes ou des activistes peu visibles (sur les questions d’indépendance, l’environnementalisme et/ou de droits humains).43 Par “système énergétique”, nous entendons le développement, les infrastructures, la transmission, l’utilisation et l’imaginaire autour de l’énergie (c’est-à-dire les manières dont est comprise la notion d’énergie, et les significations qui y sont attachées dans une communauté donnée). Cela couvre à la fois les systèmes alimentés par des combustibles fossiles et les systèmes d’énergies renouvelables.

Les participants à l’étude ont décrit les coupures de courant comme étant “fréquentes”, et ont apporté plusieurs explications à cela. Dadi déclare : “[une coupure] survient pour des raisons politiques, par exemple à cause de manifestations tardives”.44 De même, Hartan explique que “quand des détenus politiques sahraouis rentrent au pays, les autorités d’occupation marocaines coupent intentionnellement [l’électricité] afin de faire échouer l’événement… J’ai pu moi-même témoigner de la souffrance des médias activistes, c’était lorsque nous étions piégés pendant les manifestations populaires, pendant la visite de l’envoyé des Nations Unies Christopher Ross à El Aaiun occupée… J’ai remarqué que les batteries de leurs appareils photo étaient à plat et qu’ils ne pouvaient pas surveiller les violations… “.45 Mahmoud rapporte : “[Les fournisseurs d’énergie] disent que [les coupures de courant] sont dues à des problèmes de réseau, mais nous savons qu’ils coupent parfois volontairement le courant lorsqu’ils veulent apporter des choses secrètes dans la ville, ou lorsque les jeunes manifestent dans la rue.46 Quant aux “choses secrètes” mentionnées par Mahmoud, Fadel déclare : “Ils ne veulent pas que les gens ou les militants sachent combien d’armes, de chars et de soldats entrent dans la ville”.47

Who is the ‘they’ referred to by Fadel? Is it both the energy provider and the Moroccan state? Or just the latter? The need to ask this question reflects the Qui sont les “ils” dont parle Fadel ? S’agit-il à la fois du fournisseur d’énergie et de l’État marocain ? Ou seulement ce dernier ? La nécessité de poser cette question reflète la fréquente confusion entre les deux – les fournisseurs d’énergie et l’État marocain – par les participants à la recherche. Un tel amalgame est courant dans les contextes (néo)coloniaux, et a de grosses conséquences sur la façon dont les États sont perçus par leurs citoyens. Comme l’affirme Idalina Baptista, lorsque les fournisseurs de services sont perçus comme étroitement associés à un État, la relation fournisseur-client devient un substitut de la relation État-société.48 De même, Charlotte Lemanski affirme que l’accès d’une population à l’infrastructure publique façonne son identité de citoyen et sa relation à l’État.49 Au Sahara Occidental, les expériences qu’ont les participants à la recherche des systèmes énergétiques renforcent l’antagonisme ressenti envers l’Etat marocain.

Les participants à la recherche ont estimé que les districts avec une proportion élevée de population sahraouie autochtone, comme le district de Maatalla dans la ville d’El Aaiun, étaient sujets à davantage de coupures de courant. Certains participants ont également tenu à souligner qu’il en allait de même pour l’eau courante. Par exemple, Ali, 31 ans, nous dit : “Ces coupures sont habituelles à Maatalla et dans les autres banlieues sahraouies, mais vous pouvez être sûr que les colons auront toujours leurs douches”.50 Ali comprend l’infrastructure – l’eau et l’énergie dans ce cas – comme un outil utilisé par le colonisateur pour différencier les colons des indigènes. Comme dans d’autres expériences coloniales, passées et actuelles, l’infrastructure énergétique sert de médiateur à la ségrégation ethnique.51 La dimension genrée des coupures de courant doit également être prise en compte. Dans la société sahraouie, la charge (ou le plaisir) de s’occuper des enfants et du foyer incombe de manière disproportionnée aux femmes et aux filles. L’impact des coupures de courant domestiques est donc genré. Selon Mahmoud, “en tant que nomade, [une coupure de courant] ne m’affecte pas, j’y suis habitué. Mais parfois, nous avons vraiment besoin d’électricité, surtout ma femme et mes enfants”.52

Tous les participants à l’étude connectés au réseau d’électricité avaient le sentiment que leurs factures d’électricité étaient “chères” et, dans la plupart des cas, ces dépenses étaient source d’anxiété. Salka a déclaré aux auteurs qu’elle consacrait plus de la moitié de son revenu mensuel aux factures d’électricité.53 Les participants ont également signalé que plusieurs familles, en particulier dans les bidonvilles de l’est d’El Aaiun, n’avaient pas du tout accès à l’électricité. Les paroles de Zrug méritent d’être longuement citées, car elles révèlent le sentiment d’injustice lié à la nature onéreuse de l’énergie, l’importance de la souveraineté populaire sur les ressources énergétiques et la question politique plus large de l’exploitation des ressources naturelles :

“Nous sommes en 2019 et dans quelques jours, nous serons en 2020. Je connais beaucoup de gens qui n’ont pas l’électricité chez eux. Beaucoup d’entreprises ont lancé de grands projets d’énergie et, pas loin de ces projets, les habitants d’El Aaiun vivent sans électricité… Il y a eu une manifestation dans le quartier d’Al Matara à propos des coupures d’eau et d’électricité… Les parcs éoliens et autres rendent les pauvres plus pauvres et les riches plus riches. L’énergie verte est exportée du Sahara Occidental vers d’autres endroits en Afrique et ailleurs. Bien que ce soit illégal, parce que c’est fait par l’occupation marocaine, je suis fier car beaucoup d’autres endroits pourront utiliser l’électricité pour l’éclairage et d’autres activités. Ils ont besoin d’électricité, tout comme moi. Je suis en faveur du progrès pour les gens partout dans le monde et je peux compromettre mes droits pour qu’ils produisent de la lumière pour les pauvres, mais à une condition : que ce soit gratuit et non à vendre”.54

Plusieurs participants ont déclaré que les fournisseurs d’énergie les avaient mal facturés. Par exemple, Mahmoud a affirmé qu’ “ils nous envoient parfois des factures avec des montants inexacts. Chez nous, on n’a pas beaucoup d’appareils, donc nous savons combien d’électricité on utilise”.55 Cette méfiance de certains participants à l’étude à l’égard des fournisseurs s’est également reflétée dans leurs perceptions de qui gère et possède l’énergie au Sahara Occidental occupé. Nguia a compris que les producteurs d’énergie étaient des “sociétés étrangères” sans “aucune humanité”.56 Elle déclare : “La puissance occupante laisse d’autres pays investir ici, comme un moyen de les amener à reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental”.57 Dadi commente : “Ces entreprises contribuent à la colonisation marocaine et soutiennent continuellement sa présence”.58 Salka affirmé : “Tous les profits vont à l’occupation marocaine et aux sociétés étrangères”.59

Tous les participants à l’étude ont exprimé le souhait de protester (davantage) contre le développement énergétique, mais certains affirment avoir trop peur pour concrétiser ce souhait. Ceux qui ont participé par le passé à des manifestations contre le développement énergétique ont déclaré avoir été battus par la police, et/ou avoir subi d’autres formes de représailles, comme la suppression de leurs prestations de sécurité sociale et/ou de leur emploi, et/ou des menaces à l’encontre de leurs proches et des interdictions de voyager. Alors que les organisations non gouvernementales (ONG) dirigées par des Sahraouis n’ont pour la plupart pas le droit d’enregistrer officiellement leur existence au Sahara Occidental occupé, deux ONG sahraouies non enregistrées ont concentré leur travail sur la réalisation de campagnes contre l’exploitation des ressources naturelles du Sahara Occidental, notamment dans le domaine de l’énergie. L’une d’elles est la Ligue pour la défense des droits de l’Homme et contre le pillage des ressources naturelles, dirigée par Sultana Khaya ; l’autre est le Comité sahraoui pour la Protection des Ressources Naturelles (CSPRON), présidé par Sidahmed Lemjeyid. Ces deux personnes ont subi de graves violations de leurs droits humains de la part de l’État marocain en raison de leur travail : Lemjeyid purge actuellement une peine de prison à vie dans une prison marocaine,60 tandis que Khaya est actuellement assignée à résidence, après avoir perdu un œil sous la torture de la police.61 La police a récemment tenté de la violer ; sa sœur a également été violée dans la maison familiale des Khaya, en représailles à l’activisme de Sultana.62 Cette situation s’inscrit dans un cadre plus large et bien établi de violations genrées commises contre les activistes sahraouis : l’État marocain utilise des formes de torture sexuelles contre les prisonniers politiques sahraouis depuis 1975, notamment des agressions sexuelles, des humiliations sexuelles et des rapports sexuels forcés entre prisonniers. 63 Le système énergétique du Sahara Occidental occupé est donc clairement lié à des violations graves et genrées des droits humains.

Illustration by Othman Selmi

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A quoi pourrait ressembler une “transition juste” menée par les Sahraouis ? Inspirations et questionnements depuis les camps de réfugiés

Les débats de haut niveau sur l’avenir des systèmes énergétiques omettent souvent de prendre en compte les voix autochtones.64 Dans cette partie, les auteurs souhaitent mettre en avant une série d’initiatives sahraouies illustrant ce à quoi pourrait ressembler une transition juste sahraouie. Il s’agit notamment d’hydroponie de faible technologie pour une production alimentaire durable, de maisons fabriquées à partir de plastique réutilisé, et de plans pour de futures villes alimentées en énergie renouvelable dans un Sahara Occidental libre. Néanmoins, il faut garder en tête que de tels cas de “bonnes pratiques” dans les camps de réfugiés ne constituent pas en eux-mêmes une garantie que le gouvernement d’un Sahara Occidental indépendant mènerait une transition réellement juste en cas de décolonisation. Bien que l’autodétermination constitue, comme nous l’avons vu plus haut, une composante fondamentale d’une transition juste sahraouie, elle ne suffirait pas à garantir une transition juste en soi. Dans cette partie, les auteurs souhaitent également souligner les enjeux qui devraient être abordés dans un futur Sahara Occidental indépendant, afin d’assurer la transition de l’extractivisme vers un système juste, équitable et durable.

L’ingénieur Taleb Brahim a mis au point un système hydroponique innovant de faible technicité (“low-tech”) pour permettre aux réfugiés de cultiver leurs propres fruits et légumes, ainsi que du fourrage pour leurs animaux. L’hydroponie est un type d’horticulture qui consiste à faire pousser des plantes sans terre. Le terme “low-tech” désigne ici les technologies auxquelles, selon Brahim, les réfugiés ont accès et qui sont financièrement à leur portée. Cette méthode est conçue pour être accessible à tous, afin que même les familles les plus pauvres puissent bénéficier d’une alimentation autoproduite, saine et nutritive.  Les unités hydroponiques recyclent l’eau et utilisent des engrais produits naturellement. Comme le souligne Brahim, si l’on persiste à penser que les pesticides et les engrais artificiels sont nécessaires à l’agriculture, on reste alors tributaire des multinationales.65 Brahim explique qu’il est motivé par une éthique de “durabilité, d’autosuffisance et d’indépendance pour les Sahraouis”.66 Selon lui, il est, à sa connaissance, la première personne au monde à avoir développé une culture hydroponique de faible technicité dans des conditions largement considérées comme “extrêmes” en termes de climat et de disponibilité des ressources. Le Programme alimentaire mondial teste actuellement son modèle dans sept autres pays comptant des populations de réfugiés, et 1 200 Sahraouis vivant dans les camps ont reçu la formation nécessaire pour leur permettre de reproduire son innovation.67

L’ingénieur Tateh Lehbib a créé une nouvelle méthode de construction qui permet de faire baisser la température à l’intérieur des maisons et de mieux résister aux vents et aux inondations (les maisons traditionnelles sont construites en adobe, qui s’effrite sous la pluie). Sa méthode repose sur des matériaux bon marché – des bouteilles d’eau recyclées – et peut être facilement reproduite par tous les intéressés. La forme en dôme incurvé de ces bâtiments permet de maintenir des températures intérieures plus basses que dans les maisons carrées traditionnelles. Les réfugiés particulièrement vulnérables, notamment les personnes âgées ou souffrant de problèmes de santé chroniques, ont été les premiers à bénéficier de la nouvelle structure de logement conçue par Lehbib.68

Tandis que Brahim et Lehbib sont à l’origine d’innovations qui rendent la vie dans les camps plus durable, plus confortable et plus saine, d’autres citoyens réfugiés se tournent vers l’avenir de la zone du Sahara Occidental contrôlée par le POLISARIO. L’architecte et ingénieur Hartan Mohammed Salem Bechri a conçu une future ville durable, ou, comme il l’appelle, un “habitat durable et permanent” pour les humains et leurs compagnons non humains (chameaux et chèvres), conçu pour être implanté dans le territoire contrôlé par le POLISARIO. Sa conception comprend des espaces pour loger les citoyens sédentaires, ainsi qu’autres espaces abritant des commodités pour les nomades de passage et les animaux. La ville serait entièrement alimentée par des énergies renouvelables.69

Les innovations de Bechri, Lehbib et Brahim s’inscrivent dans une perspective de transition juste à plusieurs égards. Une transition juste exige une redistribution équitable des ressources.70  Les innovations de Lehbib et Brahim sont marquées par un souci d’accessibilité financière et d’autosuffisance. Les deux ingénieurs ont mis au point des moyens de garantir aux familles les plus pauvres l’accès à un hébergement et à une alimentation saine, sans dépendre des multinationales pour les matières premières, leurs innovations visant à être économiquement durables (pour les familles elles-mêmes) et écologiquement durables. Les projets de Lehbib, bien qu’ils n’en soient qu’au stade de plan, ne prennent pas seulement en compte les humains dans sa vision d’un avenir sahraoui dans un Sahara Occidental indépendant. La plupart des modèles pour une transition juste soulignent l’importance de prendre soin de la “nature plus qu’humaine”, ainsi que des communautés humaines. Dans le cas des Sahraouis, ceci est en accord avec les traditions nomades. Les pratiques traditionnelles sahraouies soucieuses de l’écologie et de l’environnement sont documentées depuis le XVIIIe siècle au moins,71 de même que la place traditionnelle centrale accordée aux chameaux et aux soins qui leur sont prodigués.72 La future contribution indicative de la RASD aux accords de Paris sur le climat illustre l’intention de son gouvernement de contribuer aux dialogues internationaux plus larges sur la lutte contre la crise climatique, et sur le maintien de ces pratiques traditionnelles respectueuses de l’environnement.73

Dans l’immédiat, le Ministère de l’Energie de la RASD planifie des projets pour le déploiement d’énergies renouvelables dans la zone du Sahara Occidental contrôlée par la République sahraouie. Un tel déploiement encouragerait le retour des réfugiés au Sahara Occidental. Le ministère a réalisé une étude exploratoire et des recherches des fonds pour mettre en oeuvre certaines recommandations de l’étude, qui calcule l’infrastructure solaire et éolienne nécessaire pour alimenter les infrastructures publiques essentielles, comme les hôpitaux, et recense les infrastructures existantes, comme les puits communaux actuellement alimentés par des éoliennes, qui sont utilisés par les nomades. L’étude examine également les options en matière d’énergie résidentielle. Daddy Mohammed Ali, ingénieur électricien et co-auteur de l’étude exploratoire, a exploré avec son équipe l’option des fermes solaires à grande échelle. Toutefois, ils se demandent si un tel modèle serait suffisamment “adaptable” aux modes de vie nomades. L’équipe a donc étudié la possibilité de fournir à chaque famille sahraouie sa propre technologie solaire portative et individuelle. Mohammed Ali explique : “Nous constatons que les familles de la zone libre voyagent souvent, alors il est utile qu’elles possèdent leur propre panneau indépendant, qu’elles puissent transporter, qu’elles aient leur propre réseau indépendant si vous voulez”.74 Un tel souci de maintenir des modes de vie non sédentaires constituerait un élément essentiel d’une transition juste pour les Sahraouis, garantissant des espaces inclusifs pour les pratiques nomades.

Les récents plans pour un avenir durable établis par le Ministère de l’Energie du gouvernement de la RASD se distinguent radicalement des anciens plans de l’Autorité gouvernementale du pétrole et des mines (APM). Grâce à des cycles d’octroi de licences initiés en 2005, la RASD a conclu des accords d’assurance avec quatre sociétés internationales sur les droits d’exploration pétrolière dans un futur Sahara Occidental indépendant.75 L’APM affirme avoir longuement consulté la société civile avant de lancer son cycle d’octroi de licences;76 cependant, des recherches menées auprès de jeunes militants sahraouis ont révélé que des groupes de la société civile soutenaient ces accords (parce qu’ils remettaient en cause les efforts du Maroc pour exploiter le pétrole) et que d’autres critiquaient ces projets, estimant que l’énergie solaire était de loin préférable pour des raisons environnementales.77 Cela pose la question de la souveraineté populaire – partie intégrante de toute transition juste – et de la manière dont les décisions liées à l’énergie seraient prises dans un Sahara Occidental libre. Le pétrole serait-il exploité malgré la crise climatique et son impact disproportionné sur les communautés vivant dans des climats chauds comme les Sahraouis ? Les parcs éoliens et solaires existants dans le Sahara Occidental occupé seraient-ils nationalisés ? Une transition juste, de même que l’abandon de l’extraction des combustibles fossiles, nécessite une prise de décision démocratique et participative au sujet des ressources énergétiques, ainsi que la garantie de bénéfices équitables à partir de celles-ci.

Toutefois, la politique énergétique actuelle du gouvernement de la RASD dans les camps de réfugiés offre des signaux rassurants. Par exemple, lorsque des opportunités limitées d’électrification solaire sont apparues dans les camps à la fin des années 1980 (en grande partie grâce au financement d’ONG suisses et espagnoles), le gouvernement a donné la priorité à l’électrification de trois institutions publiques : les hôpitaux et les pharmacies, les écoles primaires et les centres d’éducation et de formation pour les femmes.78 On peut affirmer que cette priorité reflète l’engagement de la RASD en faveur de l’égalité des sexes.79 Comme les auteurs l’ont soutenu dans la partie précédente, le modèle énergétique actuel au Sahara Occidental occupé a des impacts négatifs disproportionnés sur les femmes et les filles, en raison des fréquentes coupures de courant et de l’oppression genrée que subissent celles qui s’opposent au modèle énergétique extractiviste. Une transition juste sahraouie, comme dans d’autres contextes, devrait donc être une transition féministe.80

Illustration by Othman Selmi

Illustration by Othman Selmi

Conclusion

Le système énergétique au Sahara Occidental occupé relie physiquement le Maroc et le Sahara Occidental par des lignes de transmission et des câbles. En plus de fournir au Maroc des opportunités de blanchir son occupation, le développement des énergies renouvelables au Sahara Occidental occupé garantit au royaume une fausse “souveraineté” énergétique, réduisant sa dépendance énergétique envers des voisins comme l’Algérie. En outre, ces projets sont utilisés pour créer hors du Maroc de nouvelles formes de dépendance à l’énergie, qui provient au moins partiellement du Sahara Occidental. Ce développement énergétique crée potentiellement une incitation diplomatique pour les autres pays à soutenir l’occupation.

Pour les Sahraouis, le système énergétique actuel du Sahara Occidental occupé se révèle être un outil oppressif et colonial. Pour les Sahraouis vivant dans le territoire occupé, la justice énergétique est indissociable de l’indépendance et de la décolonisation. Cela est également vrai pour les Sahraouis vivant dans l’État en exil et les camps de réfugiés en Algérie, où des innovations basées sur la durabilité, l’autosuffisance et l’autodétermination ont été expérimentées. Néanmoins, la question de la politique énergétique dans un futur Sahara Occidental libre et indépendant reste en suspens. Si la fin de l’occupation marocaine et une décolonisation totale font partie intégrante d’une transition juste pour les Sahraouis, la capacité du gouvernement de la RASD à assurer la souveraineté populaire sur les ressources énergétiques du Sahara Occidental sera également d’une importance cruciale.

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